Kheira Belkacem

Chargée de recherche utilisateur
Prestataire à la Direction interministérielle du Numérique (DINUM)

L’accès des citoyens à leurs droits, le bon fonctionnement de l’administration et la transformation de l’action publique dépendent pour une large part de la qualité des services numériques que l’État est en mesure d’offrir à ses usagers (plus de détails dans notre article). Pour cela, les métiers du design et de l’accessibilité sont indispensables, mais ils restent souvent mal connus ou mal mis en œuvre. Pour les incarner, nous donnons la parole à nos expertes et experts.

Aujourd’hui, Kheira Belkacem, chargée de recherche utilisateur (user researcher).

Quel est ton parcours ?

Je suis arrivée dans la vie professionnelle par le biais des sciences politiques, et notamment européennes. C’était encore les balbutiements de la « e-démocratie » à l’époque (tout ce qui a trait au numérique et à la démocratie) ; c’est à cette occasion que j’ai découvert le numérique dans les processus administratifs, en particulier dans le cadre d’un stage à la direction de l’innovation du Parlement européen à Bruxelles.

Cette expérience m’a poussée à faire un doctorat en communication politique et gouvernance numérique en Grande-Bretagne - avec toujours cet intérêt particulier pour le fonctionnement des processus administratifs. À la suite de ma thèse, j’ai donc commencé à travailler en tant que cheffe de produit à la direction du numérique du Parlement britannique, puis progressivement en tant que chargée de recherche utilisateur. Ce métier m’a permis de m’orienter sur ce qui m’intéresse plus spécifiquement : les usagers.

De retour en France en 2018, un enchaînement de rencontres avec les acteurs du numérique de l’État (👋 Géraldine Da Sylva) m’a permis d’entrer en contact avec la Dinum (Direction interministérielle du numérique) avec qui je travaille depuis maintenant 4 ans.

Ta mission, c’est quoi pour toi ?

Le cœur de ma mission, c’est de représenter la voix des utilisateurs - ce pour quoi il est indispensable de sensibiliser les administrations : elles doivent aller à la rencontre de leurs usagers pour comprendre leurs besoins, leurs contraintes, leurs situations. Notre objectif est de développer des services numériques utiles, agréables à utiliser et surtout des services qui prennent en compte tous les usagers.

Il s’agit également de ne pas oublier les autres usagers qui interviennent dans les services publics numériques : les agents. Aussi, ma mission est de les associer aux processus de conception. La connaissance métier des agents est importante dans la conception des services numériques publics. Concevoir et développer des services qui sont bien adaptés aux besoins des agents va aussi permettre un meilleur traitement des demandes des usagers finaux.

Enfin, j’ai la chance de travailler quotidiennement avec des designers pour les aider à comprendre les attentes des différents usagers : j’interviens dans les processus de conception, en faisant des recommandations sur les parcours utilisateurs et le maquettage des services.

À quoi ressemblent tes activités types ?

La première est de travailler avec les équipes projet et produit pour les aider à réaliser des tests ou des entretiens utilisateurs. Concrètement, il faut donc que je trouve et que j’entre en contact avec des usagers, puis que je les mobilise pour pouvoir leur faire tester des interfaces de services en ligne. Leurs retours sont cruciaux pour opérer les ajustements indispensables -  le risque, dans le cas contraire, étant de mettre en place des démarches en ligne incompréhensibles ou inutilisables.

J’organise aussi des entretiens exploratoires pour comprendre les besoins usagers : techniquement, cette phase intervient avant la phase de conception - même s’il arrive que ce soit les tests mis en place qui révèlent la nécessité d’entretiens exploratoires.

J’anime des ateliers d’idéation avec les usagers : le principe est de s’appuyer sur leurs besoins et leurs expériences pour co-concevoir les services en ligne, pour créer les interfaces. Par exemple, dans le cadre de la démarche « Chèque énergie », les ateliers nous ont permis de mieux comprendre les problèmes rencontrés aujourd’hui par les usagers ; et également de réfléchir avec eux à de nouveaux services. Du côté des agents publics, je travaille également en ce moment avec eux à la définition de leurs besoins en termes d’intelligence artificielle.

Et enfin, j’anime des formations à la recherche utilisateur pour les agents publics, afin qu’ils soient sensibilisés aux méthodes et aux bénéfices qu’elles apportent dans la conception et le développement de services numériques.

Le projet qui t’a le plus marquée et pourquoi ?

J’aime évoquer l’exemple de Portailpro, qui nous a sollicité en phase de conception. Le site Portailpro a pour vocation de rassembler à un endroit unique l’essentiel des démarches que doivent effectuer les entreprises françaises. Deux aspects m’ont particulièrement marquée.

D’une part, le nombre d’administrations concernées par ces démarches (avec l’enjeu de les mettre d’accord d’un point de vue fonctionnel) ainsi que l’importance de l’interopérabilité des différents systèmes d’information d’un point de vue technique. La valeur ajoutée de mon métier dans ce genre de situation est de rappeler à tous l’importance des usagers finaux et la réalité de leurs usages. C’est en se concentrant sur les besoins et les problématiques des usagers que l’on peut trouver des accords entre les différents acteurs.

D’autre part, j’ai apprécié de travailler sur ce projet pour son potentiel d’amélioration et de simplification des démarches administratives des entreprises françaises.

Un service public en ligne que tu aimes particulièrement ?

J’aime beaucoup service-public.fr ! (re-coucou Géraldine). Je trouve que le site répond aux besoins des usagers avec des réponses claires aux questions, un langage clair qui parle à la plupart et qui permet de rapidement trouver ce que l’on cherche. J’aime en particulier le fait que certaines démarches sont maintenant disponibles directement sur service-public.fr : par exemple, changer mon adresse auprès des administrations. Je peux le faire depuis le site et ça répond bien aux besoins « je veux avertir l’administration de mon changement d’adresse. Peu importe l’administration, je veux le dire à l’État, et je veux le dire qu’une seule fois ! »

De plus, la navigation est simple et fluide et le site est disponible pour toutes et tous avec une conformité RGAA à 100 %.

Et tout ça n’est possible qu’en réalisant de la recherche utilisateur, en allant régulièrement confronter les changements proposés à de vrais utilisateurs et en prenant en considération leurs besoins.

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